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La brochure "Paroisse" est un ensemble de fiches pastorales, éditée en 3 volumes entre 1942 et 1943, et destinée au clergé prêchant en zone occupée.

Elle se fait ici l'écho de la nouvelle collection "Belles vies sacerdotales" qui a vu le jour en 1941 et tout particulièrement de l'ouvrage de François VEUILLOT, "L'Abbé Daniel JOËSSEL : Un vicaire de banlieue".

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Belle vie sacerdotale

Un vicaire de banlieue : L'abbé Daniel JOËSSEL

 

     Sous l'impulsion et la direction de M. le chanoine LIEUTIER, l'œuvre du Recrutement sacerdotal a pris l'heureuse initiative de promouvoir une collection de biographies, qui évoqueront les figures de prêtres, attrayantes par leur rayonnement, dirigeantes par leur action. Quelques volumes ont paru aux Éditions Bloud et Gay, dont chacun pourrait être cité en modèle, pour l'exemple entraînant et dynamique du héros, pour la vivante présentation de sa physionomie, de son âme et de son ministère.

     Entre tous, nous voulons choisir aujourd'hui le portrait de l'Abbé JOËSSEL, vicaire à Sainte-Geneviève d'Asnières, tombé pour la France au mois de mai 1940 à l'âge de 32 ans. Ce jeune prêtre, en effet, dont notre collaborateur et ami François VEUILLOT, a retracé, dans la vie si brève et si pleine, le ministère si humble et si fécond, nous apparaît comme le type achevé du vicaire de faubourg ou de banlieue, animateur d'œuvres et conquérant d'âmes.

     L'histoire de son existence, réduite aux faits saillants, peut tenir en quelques lignes. Au sortir du collège, nature ardente et profonde, il est impatient de répondre à l'appel de Dieu; mais il hésite encore entre l'apostolat des missions et le recueillement du cloître. En fait, avant son service militaire, il va rester plusieurs mois à l'Abbaye de Solesmes dont il gardera toujours une nostalgie secrète; mais, au retour de la caserne, il entre eu Séminaire des Carmes où le témoignage de ses maîtres, rejoignant après sa mort les confidences de son carnet de retraite, attestera l'ascension fervente et tendue de cette âme d'élite.

     "Il avait le culte pratique de l'Évangile", affirme son Supérieur, et voulait imiter Jésus "comme les saints l'ont fait". Et lui-même : "On se leurre, écrit-il dans ses notes, lorsqu'on supprime le caractère austère de l'Évangile, sous prétexte de le rendre plus accessible au monde". En ce qui le concerne, il s'y attache avec une extraordinaire intensité qui l'élève à l'amour du Christ et lui inspire une rigoureuse immolation de soi-même, y compris "le sacrifice complet du cœur", offert "avec joie", la joie qui, dès lors, au vu de ses condisciples, apparaît comme l'épanouissement naturel de cette âme intérieurement austère et mortifiée... mais qui en sera surtout jusqu'à la fin le rayonnement surnaturel. Elle a ses racines dans l'union totale et constante avec jésus, maintenue d'ailleurs par un énergique, perpétuel et secret effort de volonté. L'Abbé JOËSSEL a fixé son idéal, dans cette exclamation révélée par ses notes : "Simplicité de la vie, parce que Jésus fait tout, sans exception !". Et c'est pourquoi, aux Carmes, attaché d'abord à l'unique nécessaire, on a remarqué que, malgré son ardeur au travail, et sa soif d'apostolat, il subordonnait toutes choses à la vie spirituelle, au point qu'il semblait ignorer la fièvre des examens et se désintéresser des œuvres futures. Au Séminaire, il voulait exclusivement forger l'outil, malléable, adapté, docile, dont Dieu pourrait utilement se servir.

     Cette analyse d'une formation sacerdotale, comme plus tard l'étude de cette âme de prêtre engagé dans l'action, ne constituent point les pages les moins attachantes du volume, ni surtout les moins instructives : elles achèvent le portrait de l'homme, elles soulignent l'exemple et l'enseignement de sa vie.

     Mais les chapitres évocateurs de son ministère empruntent au simple exposé des événements comme un attrait de récit d'aventures ou de légende dorée.

     C'est au mois de juillet 1935 que l'Abbé JOËSSEL est nommé vicaire à Sainte-Geneviève d'Asnières. Il y rentrera de fait jusqu'à l'appel des armes, au début de septembre 1939, et de cœur jusqu'à la mort, à la fin de mai 1940. Chargé de la jeunesse masculine dans cette paroisse de 48 000 âmes, il lui suffira de ce laps de temps pour exercer une action généreuse et féconde et pour conquérir auprès des fidèles, et surtout de ses "gosses" et de leurs parents, popularité affectueuse et œuvres de sainteté.

     Non content de perfectionner, d'élargir et de vivifier les œuvres existantes, il en crée de nouvelles. La fondation des Cœurs Vaillants, tout en intensifiant la vie du patronage, en accroît si régulièrement les effectifs; à peine établie, une section Jociste est signalée comme une des plus actives; la colonie de vacances, agrandie, peut être également citée en modèle.

     Mais le progrès en profondeur est plus remarquable encore. Et c'est ici que l'apostolat de l'Abbé JOËSSEL prend toute sa valeur d'exemple et de leçon.

     Du simple et vivant récit des faits se dégage l'esprit.

     Si l'action du jeune vicaire à cette ardeur et cette énergie réalisatrices, c'est évidemment pour une partie en vertu des dons innés que lui a départis la Providence et qu'il utilise, au maximum, pour le bien des âmes qui lui sont confiées.

     Son entrain communicatif et son "large sourire", le charme et le primesaut de son amitié qui, tour à tour, pénètre et enlève, ses attentions délicates et jusqu'à ses boutades familières, sa parole, toujours simple et directe, selon les circonstances, les hommes et les besoins, se fait énergique ou tendre, émouvante, rieuse, voire même à certains moments, sa souplesse et sa vigueur sportive, tout concorde à lui donner naturellement sur les jeunes un dynamisme extraordinaire. Naguère, à ses parents qu'effrayait un peu le juvénile apostolat de leur petit Daniel auprès de ses camarades, un de ses maîtres expliquait : "On l'aime et on le suit". Et plus tard, le Supérieur des Carmes, en soulignant que l'emprise exercée par l'Abbé JOËSSEL sur ses condisciples ne contrariat nullement l'autorité dirigeante : "On sentait, remarque-t-il, qu'il allumait d'autres âmes au contact de la sienne". Toute son influence de prêtre est résumée dans ces deux observations, dont la seconde achève et expanse la première, en la portant au plan surnaturel : "On ne pouvait pas ne pas l'aimer", déclare un de ses jeunes; et un autre : "Avec lui, impossible de ne pas monter".

     Le plan surnaturel, il n'en voyait pas d'autres. "Hors Dieu, précise une Supérieure de communauté qui le connut à fond, il n'y avait pas pour lui de question". Et c'est encore une religieuse qui définit en ces termes le rayonnement de cette spiritualité : "Il était tellement plein de vie intérieure, qu'elle se reflétait sur les autres".

     Il était tout prêtre, et toujours, de son recueillement à l'autel jusqu'à son entrain dans les jeux. La ferveur de sa messe a frappé tous les témoins interrogés par l'auteur : "A l'élévation, quand il élève l'hostie, déclare une femme du peuple, on dirait qu'il va partir avec... Il ne peut plus s'en détacher". Et, d'autre part, des Jocistes, à qui l'on demande si la familiarité, presque la camaraderie qu'il leur montrait et leur inspirait, ne fut point nuisible à la déférence exigée par son sacerdoce, protestent unanimement : "C'était un type épatant, résume un d'entre eux, mais on sentait toujours que c'était un prêtre".

     Et nous tenons ici le secret de ses conquêtes spirituelles : "Ce n'est pas ce que l'on fait qui produit des fruits d'apostolat, répétait-il volontiers, mais ce que l'on est". Or, il était tout prêtre et rien que prêtre. "C'est-à-dire, expliquait-il un jour à ses enfants, cet appelé de Dieu qui, dès son jeune âge, a tellement compris l'amour du Christ pour les hommes, qu'il a préféré à tout son Jésus crucifié pour lui."

     C'est pourquoi, dans l'action la plus surmenante, en même temps d'ailleurs que la mieux ordonnée, ce directeur et cet animateur d'œuvres de jeunesse, intérieurement absorbé par une méditation continuelle, assure un de ses confrères, se retrempe toujours, au témoignage d'un religieux qui le connut à fond "dans l'intimité silencieuse de la vie avec le Christ".

     Et c'est aussi pourquoi, passionné pour les âmes à l'exemple de Celui qui mourut pour elles, son ambition la plus constante et la plus haute est non seulement de conquérir ses frères à Jésus-Christ : "C'est tout ce qui compte", écrit-il un jour à l'un de ses parents, mais encore d'en faire à leur tour des "collaborateurs du Christ".

     Pour y parvenir, il ne se contentera point de l'action, de l'exemple ni même de la prière; il y joindra secrètement les mortifications les plus rigoureuses, son rayonnant sourire et son perpétuel entrain dissimulent des macérations redoutables. Comme son divin modèle, c'est parfois du prix de son sang qu'il veut racheter les âmes qui risquent de se perdre ou surélever encore celles qui montent. Et "pour elles" ayant tout donné, il offrira encore sa vie. Certaines confidences laissent entrevoir que sa mort tragique fut vraiment l'holocauste appelé par une soif inassouvie du sacrifice.

     Mais il faut lire ces détails émouvants dans les derniers chapitres du volume où l'auteur suit pas à pas le "lieutenant JOËSSEL" prêtre autant que jamais, d'abord dans son intense et fructueux apostolat du fond, puis au fort de la tourmente, enfin sur le lit d'ambulance, où il meurt, le sourire aux lèvres, dans la joie de l'immolation...

     Les paroissiens de Sainte-Geneviève d'Asnières le vénèrent et le prient. Quant au Supérieur des Carmes, qui, l'ayant approfondi au Séminaire, ne cessa de le suivre au cours de sa brève existence, il lui rend ce haut témoignage : "Il y eut chez lui de la sainteté, je dirais même de la sainteté de grand style..."

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